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mardi 2 août 2011

Algerie: Sept mois après le printemps arabe



La perspective d’un changement démocratique s’éloigne en Algérie


Cela fait sept mois qu’un vent de révolte secoue le Moyen‑Orient et le Maghreb. Sept mois depuis le début de la révolution tunisienne qui a abouti à la chute de Ben Ali et à une réaction en chaîne dans tous les autres pays de la région dirigés par des régimes autoritaires.  Aujourd’hui, un nouveau paysage politique s’esquisse même si on n’en voit encore que les prémices.  
En Tunisie, premier pays touché par la vague de protestation populaire, le dictateur est tombé. L’élection d’une assemblée constituante est prévue le 23 octobre prochain. Certes, des tensions persistent dans le pays, et beaucoup craignent la montée en puissance des partis islamistes, mais le changement est là.
La situation est quasi similaire en Égypte. Hosni Moubarak a dû démissionner le 11 février après plusieurs semaines de manifestations monstres place Tahrir au Caire et dans d’autres villes du pays. L’armée assure la transition, à travers le conseil suprême des forces armées, contesté par une partie de la population qui considèrent que les réformes politiques avancent trop lentement. Mais là encore, les changements sont réels. Les anciens du régime, à leur tête le président Moubarak et ses enfants, ont été arrêtés et seront bientôt jugés lors de procès publics.
En Libye et en Syrie, la situation est plus compliquée. Mais dans ces deux pays, les régimes sont malmenés par les révoltes populaires. A Tripoli, Kadhafi et  les troupes qui lui sont fidèles, continuent de résister aux assauts de la rébellion menée par le Conseil national de transition (CNT) avec l’appui d’une coalition internationale. Même si le CNT vient de perdre son chef militaire, avec la mort d’Abdelfatah Younes, les combats se poursuivent.
Et en Syrie, le président Bachar el Assad fait face depuis le 15 mars à un mouvement de contestation, qu’il réprime dans le sang. Selon des ONG, cette répression aurait déjà fait plus de 2000 morts en cinq mois. Mais dans les deux cas, la position adoptée par la communauté internationale contre les deux régimes en place, laisse peu de doutes quant à la chute inexorable des deux tyrans. Le Yémen et Bahreïn connaissent également des mouvements de protestation qui ont tourné à l’affrontement entre les forces gouvernementales et les manifestants.
Au Maroc, la protestation a pris une forme beaucoup moins violente. Les manifestations qui ont eu lieu dans le pays ont poussé Mohammed VI à lancer des réformes. Dans son discours du trône prononcé le 30 juillet, il a annoncé que des élections législatives auront lieu très rapidement pour qu’un premier ministre issu du parti vainqueur soit désigné. La Constitution a également été révisée vers plus de démocratie et adoptée par référendum le 1er juillet dernier, même si une partie de l’opposition s’estime déçue par son contenu.
Reste l’Algérie.  Comme ses voisins, le pays a connu au début de l’année une vague de protestations qui s’est déclinée en une multitude de petits mouvements dispersés, essentiellement portés par les syndicats autonomes et affichant des revendications salariales, mais aussi politiques. Mais ces dernières semaines, la tension est un peu retombée. Sur le plan politique, le pouvoir prend son temps pour amorcer les réformes qu’il a promises le 15 avril par la voix du président de la République. Sur certains points, on assiste même à un recul. C’est notamment le cas de l’ouverture des médias publics à l’opposition.
Sur le plan politique, la commission Bensalah a achevé ses consultations à la fin du mois de juin. Depuis, c’est le calme plat. Aucun bilan officiel n’a été communiqué sur ce mois de consultations. Des réformes importantes devraient être votées à la rentrée par l’APN, comme la loi électorale et la loi sur les partis politiques, dans l’optique des élections législatives de 2012. Mais le vent du changement radical n’a pas soufflé sur l’Algérie.
Même les visiteurs étrangers venus dans le pays ces dernières semaines, ont visiblement reçu le même message. Ainsi, le quotidien français, Le Canard enchaîné, rapporte dans son édition du 13 juillet les propos qu’aurait tenu le président français Nicolas Sarkozy lors d’un récent conseil des ministres : « Je suis très satisfait du résultat du référendum au Maroc (du 1er juillet). Plus de 72 % de taux de participation et 94 % de oui. A la lumière de cela, je suis triste pour l'Algérie ».
Selon nos sources enfin, le premier ministre Ahmed Ouyahia aurait récemment confié à un visiteur français que l'objectif principal du pouvoir algérien était d'aboutir l'année prochaine à une Assemblée « plus représentative ». Il n'a pas détaillé ce qu'il entendait par là. Mais ses interlocuteurs ont compris qu’il évoquait un rééquilibrage au sein de l'alliance présidentielle et une ouverture de l'APN à d'autres partis. En d’autres termes, on est loin d’un vrai changement et d’une volonté de réformer l’ensemble du système politique dans le sens d’une plus grande démocratie, comme l’a promis le pouvoir.

Algerie:La Martingale algérienne, réflexions sur une crise de Abderrahmane Hadj Nacer



Pouvoir, élites et société

Connu pour sa discrétion depuis qu’il a quitté ses fonctions de gouverneur de la Banque d’Algérie, Abderrahmane Hadj-Nacer est récemment sorti de son silence en composant un premier essai : La Martingale algérienne publié aux éditions Barzakh.

Connu pour sa discrétion depuis qu’il a quitté ses fonctions de gouverneur de la Banque d’Algérie en 1992, Abderrahmane Hadj Nacer est récemment sorti de son silence. En composant un premier essai, l’un des plus jeunes à avoir été nommé au poste de banquier central, veut apporter sa contribution au débat, en ces temps marqués par des velléités de contestation et d’aspiration au changement. La Martingale algérienne, publié aux éditions Barzakh, est plus qu’une réflexion sur une crise. L’ouvrage de Hadj Nacer dépasse les postulats connus de tous à propos de la généralisation de la corruption et des comportements de recherche de la rente.
C’est une autocritique, une introspection de l’absurdité du fonctionnement d’un système. C’est aussi l’émanation de la volonté d’un homme qui «bascule, à 60 ans, dans un autre âge» et veut initier un débat avec les jeunes sur le changement. Un changement qui ne devra pas passer par la négation de ce qui a été fait jusque-là, sa philosophie de base étant de «ne rien effacer et d’apprendre des erreurs du passé».

C’est dans une approche khaldounienne que l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie outrepasse l’analyse économique pour un autre exercice : l’exposé anthropologique. «Chaque peuple a un génie qui lui est propre. On ne peut pas avancer lorsqu’on tourne le dos au génie d’un peuple», nous a-t-il confié en marge d’une séance de vente-dédicace, à Alger. Le défi est, pour lui, d’affermir une gouvernance assise sur un Etat fort et des institutions pérennes. Instaurer la citoyenneté ainsi que le contrat social en lieu et place de l’allégeance aux clans et à la rente. Un processus qui passe par une équation à quatre variables : pas de développement durable sans conscience de soi ; pas de gouvernance sans l’existence d’une élite nationale ; pas d’économie performante sans démocratie et pas d’avenir sans notre identité. Cette conscience de soi qu’on a aliénée au nom de la modernité.
L’expérience du M’zab, d’où est originaire la famille de l’auteur, et sa stabilité historique est d’ailleurs bien présente dans le propos selon lequel la destruction des organisations et structures sociales s’est traduite par une aliénation pure et simple des populations, laquelle engendre la haine et l’obscurantisme. C’est aussi un défi aux élites à se réconcilier avec soi-même. Des élites que le pouvoir a d’abord cooptées. Le pouvoir a également entrepris, sous le couvert du socialisme, une chasse aux élites économiques, lesquelles n’ont pas de conscience de classe ni de base sociale ; elles n’ont pas non plus d’alliés à l’extérieur et «il est frappant de voir à quel point les élites algériennes manquent de relais et de soutiens à l’étranger. Elles n’ont pratiquement ni réseaux ni carnets d’adresses».

Restaurer l’Etat dans ses fonctions régaliennes

M. Hadj Nacer pense que le développement économique est intimement lié à la démocratie et à la création de contre-pouvoirs pour bénéficier d’une critique constructive. Aussi, la gestion centralisée affaiblit l’Etat. Celui-ci s’est trouvé seul investisseur légitime et on n’a plus jamais séparé la gestion de l’entreprise de la gestion du politique. «Depuis les années 1990, on a affaibli l’Etat. Et l’affaiblissement de l’Etat se manifeste par un contrôle direct de l’économie. Or un pouvoir, quelle que soit sa force, ne peut pas tout contrôler», nous a confié l’ancien banquier. Il préconise dans ce sens la restauration d’un Etat fort, assis sur le triptyque institution, autorité et discipline, dans ses fonctions régaliennes. On a bien tenté de le faire, selon lui. Or, la rente pétrolière a de tout temps réduit à néant les tentatives de réformes et a renforcé les monopoles élargissant à chaque fois la gabegie et la corruption. Cela ne justifie pas pour autant, avertit l’ancien patron de la Banque centrale, de tomber dans les ruses du système selon lesquelles les malheurs de l’Algérie sont issus de la malédiction du pétrole et de la main de l’étranger, usant même à outrance de concepts analogues au patriotisme économique alors que les efforts de développement entrepris ont surtout profité aux entreprises étrangères.

Le fait est que tout processus d’arbitrage et de prise de décision a été délocalisé à l’étranger. Pour illustrer cet état de fait, M. Hadj Nacer précise que «pendant que Carlyle décide qu’Orascom sera le détenteur de la licence de téléphonie mobile, l’arbitrage se résume au partage du reliquat de la rente».
Tous ceux qui espéraient quelques révélations fracassantes de l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie resteront cependant sur leur faim en abordant le chapitre consacré à la gestion de la dette extérieure et son rééchelonnement. Un laïus a toutefois été dédié à Mouloud Hamrouche, qui voulait engager le rééchelonnement de la dette extérieure en mars 1991 «pour ne pas laisser ce fardeau à son successeur». Hadj Nacer, qui voulait garder «une distance critique», se laissera dire qu’«il est très rare de trouver face à soi quelqu’un qui a un comportement d’homme d’Etat…»