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vendredi 12 août 2011

Algerie:Rencontre avec Abderahmane Hadj Nacer, ancien gouverneur de la Banque centrale d’Algérie


"Il ne faut pas croire que nos réserves de change ont une grande valeur"
« C'est la rente qui a tué en nous l'organisation de la société, c'est elle qui a tué en nous les capacités de réflexion et toute capacité d'accumulation ». Pour Abderahmane Hadj Nacer, le pétrole est une malédiction qui frappe l’Algérie au lieu d’être un avantage, un bienfait ou une protection. L’ancien gouverneur de la Banque centrale d’Algérie était vendredi soir l’invité du quotidien Algérie News qui a organisé une rencontre sur son premier livre La Martingale Algérienne, en librairie depuis fin juillet dernier.

Pour M. Hadj Nacer, à chaque flambée des prix du pétrole, l’Algérie met un frein aux réformes économiques. Il cite des exemples. « Nous avions de bons objectifs jusqu'en 1973, on a basculé après parce que le prix du pétrole a quadruplé. Quand on a eu beaucoup d'argent, on a demandé à ceux qui pensaient de ne plus le faire et on a retardé ainsi le développement du pays », a‑t‑il expliqué, estimant que l'Algérie d’aujourd’hui manque de vision économique claire. « On importe tout, absolument tout sauf les légumes, et encore, parfois on en importe », a‑t‑il déploré. C'est pour cela que l'Algérie va subir la crise financière de plein fouet, avertit‑il. « Parce qu'on n'est pas acteur. Pour pouvoir l'être, il faut une construction institutionnelle avec une légitimité populaire. Ce qui signifie une forme de démocratie », a plaidé M. Hadj Nacer.

Questionné sur les risques encourus par les placements algériens en bons du Trésor américain en pleine crise économique mondiale, M. Hadj Nacer affirme qu'« il ne faut pas croire que nos réserves de change ont une grande valeur ». « Personnellement, j'aurais bien aimé les garder sous terre, on a une règle de base en Algérie. La gestion des puits doit obéir à la longévité la plus maximale de nos capacités de production. Plus on extrait, moins le puits produira. Et je trouve qu'on a surexploité des puits sans raison pour accumuler des encaisses oisives qui sont sans intérêt puisqu'elles ne correspondent pas à une logique d'accumulation industrielle ou capitalistique », explique l'intervenant.

Pour l’ancien gouverneur de la Banque centrale, la détention d'actifs réels, à l'image de l'or, est plus importante que la détention d'argent. « Le monde part trop vite pour espérer le rattraper avec la mécanique de l'enseignement. L'accumulation des actifs permet justement de gagner du temps. Acheter des actifs, c'est acheter du temps », a‑t‑il poursuivi. Dans ce sens, il a donné l'exemple des négociations du gouvernement avec Renault qu'il qualifie de « honteuses ». « Renault nous propose de faire de l'emboutissage. Pourquoi n'avoir pas acheté Volvo qui était en vente ou n'avoir pas fait un accord avec elle ? Pourquoi être dans cette concurrence stupide avec le Maroc ? », s'est‑il interrogé en soulignant la nécessité de réfléchir actuellement à une vraie politique industrielle.

Algerie: Salah Mouhoubi. Economiste, ancien conseiller à la Présidence et membre du CNES



"Le gouvernement doit maîtriser ses chiffres"



L’économiste appelle les pouvoirs publics à revoir leur copie concernant la création de 1 million d’emplois et à mieux maîtriser leurs chiffres. Il rassure par ailleurs que les réserves de changes sont entièrement sécurisées en dépit de la crise boursière mondiale.

- Depuis la dégradation, la semaine dernière,  de la note souveraine de la dette des Etats-Unis, les marchés financiers s’affolent et les pertes sont estimées à des milliards de dollars. Quel risque y a-t-il pour l’ensemble de l’économie mondiale, d’autant que le spectre d’un autre krach plane toujours ?


Cette crise boursière n’est pas spontanée et plusieurs facteurs l’expliquent. Le monde ne s’est d’abord pas remis de la crise financière de 2006-2007 et dans le sillage de cette crise, le monde a vécu une récession économique. Ces deux aspects ont contribué à l’aggravation des déficits publics aux Etats-Unis et à la zone euro. Tous les pays se sont endettés pour faire face à cette crise, et dans la mesure où la croissance économique n’était pas au rendez-vous, leurs endettements se sont aggravés. Un autre paramètre explique la crise actuelle : tout l’Occident vit au-dessus de ses moyens. C’est une crise très profonde et structurelle  qui risque d’avoir un impact négatif sur le monde, particulièrement sur les pays en voie de développement. Ce qui est grave, selon les perspectives d’observateurs très attentifs, c’est la crainte d’une récession économique mondiale. Il y a effectivement risque qu’il y ait une contraction de la demande d’énergie et de matière première, puisque la machine de production tournera au ralenti. Cela se répercutera sur les revenus des pays en voie de développement. Dans le cas particulier des pays producteurs de pétrole, si la demande se contracte, nous allons avoir un fléchissement des prix du baril, sauf si l’OPEP prend des décisions drastiques de réduire considérablement l’offre.  


- Les Etats-Unis sont la locomotive de l’économie mondiale, mais leur dette se chiffre à plus de 14 000 milliards de dollars. N’ y a-t-il pas contradiction ?


Ce pays-là vit au-dessus de ses moyens et développe une politique d’endettement tant sur le plan national qu’international. Il y a aussi l’endettement des ménages américains, cela explique leurs revenus qui demeurent modestes. Au lieu de procéder à des augmentations salariales, les Etats-Unis poussent les ménages à s’endetter. Or, si on augmentait les salaires, ce sont les compétitivités internationales des Etats-Unis qui seront remises en cause. Je dois dire également que la situation des Etats-Unis est permise par le statut particulier du dollar qui leur donne des privilèges. D’ailleurs, la Chine non seulement dénonce cette politique, mais exige aussi la création d’une monnaie internationale pour remplacer le dollar. Et si cette exigence venait à s’appliquer, ce serait une révolution et la Chine aura créé l’aube d’une nouvelle génération. Pour le moment, cela ne sera pas aussi facile pour passer à l’acte. Et si les Etats-Unis viennent à accepter cette nouvelle demande, ce serait une remise en cause de leur leadership. 

- La question qui taraude l’esprit des Agériens est le devenir des réserves de changes placés aux Etats-Unis. Ces placements sont-ils réellement sécurisés ou bien y a-t-il un risque de subir des pertes ?


D’abord je tiens à préciser que nos réserves de changes sont sécurisées. Elles sont placées dans des grandes banques internationales et aucune d’elles ne peut disparaître aussi facilement. Sauf que les taux d’intérêt sont très faibles et c’est le monde entier qui subit cet état de fait. Aujourd’hui, nous pouvons nous interroger sur une partie des réserves de changes sous forme de bons du Trésor américain. Je ne pense pas que cela pose problème pour le moment. Et si l’Algérie venait à demander son remboursement, elle en obtiendrait facilement l’accord. Mais je dois préciser que ce n’est pas dans l’intérêt de notre pays de le faire, il faut attendre et laisser les choses se faire naturellement.    


- Quel serait le meilleur moyen de faire fructifier nos réserves de changes ? Un fonds souverain ne serait-il pas
intéressant ?


Il faut que l’Algérie utilise ses revenus en devises pour assurer son développement. L’existence de réserves de changes répond à plusieurs objectifs. Il est considéré comme matelas de sécurité du pays à la couverture commerciale du dinar. Nous ne pouvons pas changer cette donne d’une manière brutale. La création d’un fonds souverain n’est pas pertinente dans la conjoncture actuelle. La situation boursière montre le contraire. C’est un pari très risqué pour l’Algérie de s’engager sur cette voie. Même si c’est une manière de diversifier sa devise, mais s’il y a un coup dur, nous perdons tout. Je pense que les meilleurs investissements à faire sont chez nous.          


- Notre économie est toujours dépendante des hydrocarbures à plus de 98%. Les prix, qui ont franchi depuis plus d’une année la barre des 100 dollars, pourraient-ils être maintenus dans la conjointure actuelle ?


 Absolument non. C’est un thème récurrent. La diversification de notre économie ne date pas d’aujourd’hui, mais depuis les premières années de l’indépendance. Le président Boumediène appelait sans cesse à l’adoption d’une politique où nous semons du pétrole pour récolter des usines. Malheureusement, nous avons semé beaucoup de pétrole pour ne rien récolter. Sans pétrole, l’Algérie… Il faut s’attendre à des résultats dramatiques. Ce constat est fait depuis de longues années, mais nous n’avons pas l’impression de l’existence d’une véritable stratégie pour réaliser un tel objectif.        


- Les différents plans engagés par le gouvernement pour diversifier l’économie nationale n’ont pas donné les résultats escomptés. Où se situent justement les failles ?


Nous n’avons jamais terminé un programme de développement depuis l’indépendance. Tout est resté inachevé. Chaque équipe qui vient efface tout et recommence. Nous avons connu la crise de l’endettement qui a fait reculer le développement, puis la décennie noire, et actuellement, nous marchons sur une seule jambe en matière de développement. C’est-à-dire nous construisons des infrastructures, mais nous n’avons pas réussi à construire une économie productive. Cela veut dire qu’il faut changer de stratégie. Il faut en effet penser à instaurer la transparence, rendre l’acte d’investir libre, lutter contre la corruption et le gaspillage et surtout encourager les IDE (investissements directs étrangers). Sans les IDE, l’Algérie ne peut pas concevoir une économie. A cela s’ajoute une autre donnée : il faut que l’Algérie arrive à une économie sans subvention. Ceux qui activent dans le marché informel ne payent ni cotisation ni impôt, mais bénéficient de services publics gratuitement au même titre que ceux qui payent régulièrement. C’est injuste et c’est du gaspillage… Cette subvention est antiéconomique, elle se fait sans aucune contrepartie. Il faut engager immédiatement une réflexion sur la manière de mettre fin à ces subventions tous azimuts. C’est un véritable massacre. Il faut également se doter d’une feuille de route pour supprimer toutes ces subventions. Mois je propose qu’on ouvre un débat national, car il ne faudrait pas que cette mesure soit instrumentalisée et utilisée à des fins politiques. Cette suppression de subvention permettra de faire reculer le marché parallèle et incitera les Algériens à travailler et de ne plus compter sur cette vache à lait. Or,  nous ne pouvons pas acheter la paix sociale avec ce type de politique, car un jour nous aurons certainement un retournement de situation où les moyens financiers ne permettront plus le «gaspillage».


- Des chiffres ont été annoncés sur la création des postes d’emploi et la distribution de logements, selon le gouvernement. Beaucoup d’économistes ont affiché leur doute par rapport à leur crédibilité…   


Je n’ai jamais vu dans les pays développés un million d’emplois créés en moins d’une année. Cela relève du miracle économique. Je me pose la question si les pouvoirs publics, lorsqu’ils ont annoncé ces chiffres, ne se sont pas trompés ! En ma qualité d’économiste, je me pose la question sur leur crédibilité. Ils auraient dû dire que sur la période 2010-2014, nous allons créer  3 millions d’emplois, et dans ce même cadre et jusqu’à présent, 1 million d’emplois ont été créés. A ce moment-là, les chiffres peuvent être crédibles. Car tels qu’annoncés, il est difficile d’y croire, surtout que l’appareil productif est en panne. Le seul secteur où l’emploi est créé est le secteur des services de BTPH. Le gouvernement se doit de clarifier ce point, car il y va de la crédibilité du pays. Les pouvoirs publics doivent revoir leur copie et maîtriser leurs chiffres. Nous manquons totalement de vision économique dans notre pays.

Algérie: Après une accalmie de plusieurs semaines


Le phénomène de la "harga" reprend à Annaba
Le retour de harraga
Après une période d’accalmie qui a duré plusieurs semaines, le phénomène d’immigration clandestine vers l’Europe vient de reprendre à Annaba. Lundi dernier, profitant d’un manque de vigilance des garde‑côtes, 20 jeunes harragas, dont une fille, ont réussi à rejoindre les côtes italiennes à bord d’une embarcation légère munie d’un puissant moteur. Les harragas sont partis de la plage "la Caroube". Une fois en Italie, ils ont contacté leurs parents pour les informer de leur arrivée dans de bonnes conditions. Selon nos informations, le même groupe avait tenté une première traversée 48 heures auparavant. Mais ils ont dû reporter leur projet, les garde‑côtes ayant été mis en alerte. Il s’agit de l’une des rares tentatives enregistrées ces dernières semaines dans la wilaya, selon nos sources.

En moyenne, chaque candidat à l’immigration clandestine doit, avant de prendre place à bord de l’embarcation, verser au passeur la somme de 100 000 DA. Bien qu’en activité depuis des années, et malgré le nombre d’embarcations arraisonnées et les nombreux harragas interpellés et présentés devant le procureur de la République, aucun passeur n’a été jusqu’ici inquiété à Annaba ni ailleurs en Algérie. D’où les interrogations suscitées quant aux complicités bien placées dont jouissent les passeurs. Des complicités dénoncées par des familles de jeunes ayant tenté la traversée périlleuse et qui n’ont dès lors plus donné signe de vie.