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mardi 16 août 2011

Exclusif. Entretien avec le Pr Noam Chomsky. Partie 4


 La crise financière : Les banques contrôlent les gouvernements et l’argent des contribuables (+ Audio)

Dans un entretien téléphonique qui a duré 40 minutes, Noam Chomsky nous a livré ses analyses sur les révoltes populaires en Tunisie, en Égypte et dans d’autres pays et l’embarras des États-Unis, d’Israël et de l’Europe qui craignent de voir des régimes “amis” tomber et remplacés par des démocraties libres.
Nous avons également abordé avec lui plusieurs autres points : la situation en Algérie, le positionnement militaire américain dans la région du sahel, la nature de l’AQMI, etc.
Il a aussi été question dans l’entretien, des dernières révélations de wikileaks, de la politique d’Obama au Moyen-Orient, du cas iranien, de la politique israélienne, des attentats du 11 septembre,…
Algerie-Focus.com : Quelle est votre analyse de la crise financière actuelle. Quelles conséquences pourrait-elle avoir sur le monde, devons-nous nous attendre à des conflits armés comme ce fut le cas à l’issue du crash financier de 1929 qui a abouti à la deuxième guerre mondiale ?
Noam Chomsky : Avant tout je ne pense pas qu’il y ait de chance que quelque chose comme la seconde guerre mondiale soit envisageable. Il y a un super pouvoir avec une force militaire écrasante et pas de concurrent. La crise financière est réelle, les sources en sont bien comprises et on peut les retracer jusqu’au changement économique qui a eu lieu en Amérique et en Grande-Bretagne dans les années 70. A ce moment là les institutions financières – je parle des Etats-Unis mais la situation était similaire ailleurs – étaient régulées par les règles du New Deal. Il n’y avait pas eu de crise financière pendant les années précédentes, qui furent les années qui ont connues la plus importante croissance économique dans l’histoire Américaine. Dans les années 50, 60 et 70 pas de crise !
Les institutions financières existaient mais elles assumaient les fonctions habituelles de telles institutions dans une société capitaliste, c’est-à-dire prendre des actifs inutilisés, comme les comptes bancaires, et en faire des investissements productifs. Et c’est à peu près ce qu’elles faisaient.
Cela a substantiellement changé dans les années 70. Le pouvoir des institutions financières a explosé. Il y a eu une énorme augmentation des flux de capitaux spéculatifs et seulement un faible pourcentage de bénéfices des entreprises – à ce moment là peut-être un tiers de bénéfices des entreprises. Et les institutions financières se sont détournées de leurs fonctions traditionnelles et constructives dans une société capitaliste. Elles ont commencé à se tourner vers le risque, que sont essentiellement les jeux financiers, jouer avec l’argent, faire des investissements risqués au moyen d’instruments financiers compliqués et exotiques et depuis il y a crise après crise. Il y en a eu plusieurs pendant les années Reagan. En fait Reagan a terminé sont mandat en 1988 en laissant derrière lui une crise financière majeure à gérer, la pire sur l’épargne et le crédit, depuis la grande dépression.
La mania de la dérégulation a continué pendant les années Clinton sous l’influence dominante des institutions financières. Avec le temps, l’accroissement de leur rôle économique s’est traduit aussi par un pouvoir politique accru. Les années Clinton se sont terminées avec un autre crash boursier celui de la bulle Internet.
A chaque fois les problèmes restent identiques et font le lit de la prochaine crise. Il y a si peu de régulation que c’est presque une garantie de crise ! Les régulations légales limitées sont manipulées par une énorme armée de lobbyistes, alors en définitive aucune ne s’applique. C’est inhérent au système boursier, les transactions ne prennent pas en compte, ce qu’on appelle le risque systémique. Par exemple, si Goldman Sachs prend bien en compte son propre risque il n’en fait pas de même du risque d’écroulement du système dans son ensemble. Si quelque chose va mal, cela s’appelle « l’externalité » en jargon économique et vous n’y faites pas attention.
Ce seul fait est une garantie de crise et cela a été augmenté par de très perverses incitations. L’une d’entre-elles est une police d’assurance gouvernementale, elle s’appelle « trop grande pour tomber ». Donc si les banques majeures et les firmes d’investissements font des transactions extrêmement risquées et en conséquence font d’énormes profits, si cela tourne mal et se crashe – et qu’éventuellement elles emportent tout le système avec elles -, elles peuvent avoir confiance car le contribuable entrera dans la course et les couvrira. C’est exactement ce qu’il s’est passé cette fois-ci, comme dans les cas précédents, cela s’appelle trop grandes pour faillir, trop grandes pour les laisser filer.
Ceci est une vraie police d’assurance, incidemment une parmi tant d’autres, qui encourage le risque élevé et un comportement hautement rentable. Le public paiera si ça ne se passe pas comme prévu, alors pourquoi se priver. Tout cela sera remboursé et cela pose aussi les bases de la prochaine crise financière qui sera sans doute pire que celle-ci. C’est presque inévitable quand un système de marché dans l’arène financière est autorisé à fonctionner avec extrêmement peu de régulation et avec des incitations à poursuivre des opérations risquées et potentiellement dommageables mais extrêmement profitables. Cela est accru par les instruments financiers qui ont été développés par les banques, il y a les concepts de produits dérivés, les polices d’assurance contre les pertes, les hypothèques sécurisées, qui ont été le noyau de cette crise particulière des sub-primes, alors oui il y en aura une autre !
Actuellement les institutions financières sont si puissantes qu’elles ont une influence écrasante sur le système politique et c’est la conséquence de ce qui s’est passé tout au long des 30 dernières années, plus dramatiquement aux Etats-Unis, mais ailleurs dans le monde aussi, c’est la politique gouvernementale.
Traditionnellement, la politique du gouvernement, dans un état capitaliste faisant parti des sociétés occidentales, est de l’ordre des impôts et des taxes. D’autres politiques gouvernementales, dans une certaine mesure – minime, mais quand même – doivent tendre à compenser l’énorme inégalité qui se développe si on permet aux marchés de fonctionner librement.
En Europe c’est encore partiellement le cas, mais aux Etats-Unis, durant ces 30 dernières années cela a été l’opposé. La politique du gouvernement a été étudiée pour accroître l’inégalité de manière très intense. Les impôts par exemple, ils ont été nettement réduits pour les plus riches mais soutenus pour les autres, cela, bien sur, est l’exact opposé de ce que devrait être une politique fiscale et cela est en partie la raison pour laquelle la richesse a été si lourdement concentrée sur les 1%, ou encore moins, de la population. Les politiques ainsi mises en place sont conçues à cet effet.
Et il existe en quelque sorte un cycle qui s’auto-renforce, plus la richesse est concentrée plus important devient le pouvoir politique de cette minuscule fraction de la population, qui utilise ce pouvoir pour encore plus accroître sa propre richesse, c’est donc la crise aux Etats-Unis et elle s’étend ailleurs.

Entretien réalisé par Fayçal Anseur
Entretien en anglais

Algeri-Focus.com : What is your analysis of the current financial crisis and what consequences could it have on the world?
Do you think we could expect armed conflicts like 2nd world war followed the 1929 crack ?
Noam Chomsky : I don’t think that there is much prospect of anything like 2nd World War for one thing. There is one super power with overwhelming military force and no competitor, but that’s not likely. The financial crisis was real the sources are pretty well understood they trace back to the significant economic shift that was undertaken in the US and Britain and major powers back in the 1970’s. At that time, the financial institutions – I’ll keep with the US, but it was similar elsewhere – were regulated under the New Deal regulations. There hadn’t been a financial crisis for the preceding years which were the years of greatest economic growth in American history in the 1950’s, 60’s and 70’s no crisis.
The financial institutions were there but they were pursuing the function of such institutions. They have a function in the capitalist society: they are supposed to take unused assets like bank accounts and turned them to productive investments, and that’s pretty much what they were doing.
Well that changed substantially in the 1970’s the financial institutions exploded in power. There was a huge increase in flows of speculative capital, then there were a few percent of corporate profits, by now maybe a third of corporate profits, and they turned away from the traditional constructive function in a capitalist society. They began to turn to the risk tube, essentially financial games, playing with money, risky investments, complicated exotic financial instruments and there’s been crisis after crisis ever since. Several during the Reagan years; in fact Reagan left office in 1988 with leaving a major financial crisis to be dealt with, the worst one since the great depression, on savings and loans.
The deregulation mania continued during the Clinton years under the dominant influence of the financial institutions by then their increased role in the economy also meant increased political power. The Clinton years ended with another crash in the tech bubble. It got worse under the George W. Bush years which led finally to the great financial crisis. Each time, the problems remain the same and the basis is laid for the next crisis. There is very limited regulation which is almost a guarantee of crisis. What limited regulation there is by law is manipulated by huge army of lobbyists, so nothing applies. It’s inherent in a market system that transactions don’t take account of what’s called the systemic risk. So, for example, if at Goldman Sachs they take into account their own risk but they don’t’ take into account the risk of breakdown of the whole system if something goes wrong. It’s called, in economic jargon, externality, which you don’t pay attention to.
Well that alone is a guarantee of crisis and that’s increased by very perverse incentives. One of them is a government insurance policy, it’s called “too big to fail”. So if the major banks and investments firms make extremely risky transactions, and hence make a lot of profit, and then it goes bad, and crashes, and maybe bring all system down with it. They can be confident that the tax payer will move in and bill them out. Which is exactly what happened this time as in the earlier cases that’s called: too big to fail, to big to let them go.
That’s an insurance policy, one of many incidentally, which encourages highly risky and highly profitable behaviour. The public will pay for it if anything goes wrong, then why not doing it. That’s being reconstituted and this also laying the basis for the next financial crisis, probably worse than this one. That’s almost inevitable when a market system in the financial arena is allowed to function with extremely little regulation and with incentives to carry out risky and potentially damaging, but very profitable operations. That’s all expanded by the exotic financial instruments that have been developed; there are concept derivatives, insurance policies against lost, secure mortgages, which are a core part of this particular crisis. All that is reconstituted. So yes there will be another one!
By now the financial institutions are so powerful; they have overwhelming influence on the political system as well. One of the things that has happened in the past 30 years, dramatically in the US, but elsewhere too is, the government policy.
Traditionally government policy in the western state capitalist societies have had something of a tax policy another government policies have to some extent – a minimal extent – but some extent, compensated for the enormous inequality that develops if market systems are allowed to function freely.
In the Europe it is still partly the case but in the US, in the last 30 years it has been the opposite. The government policy has been designed to increase inequality very sharply. Take a look at taxes, they have been sharply reduced for the very wealthy but sustained for the rest that of course has the exact opposite of what a tax policy is supposed to be in a society. That’s much part of the reason why the wealth has been so heavily concentrated in the top 1% or even less of the population. Policies are designed to have that effect.
And there is a kind a self-reinforcing cycle the more wealth is concentrated the greater the political power of that tiny fraction of the population, who use that power to increase their wealth even more, that’s the crisis in the United States and it extent elsewhere.
Interview by Fayçal Anseur

Algerie:Crise financière et réserves de change de l’Algerie placées à l’étranger :

Monsieur Djoudi dites la vérité aux algériens

L’Algérie est fortement interpellée face à la situation mondiale actuelle étant donné que son économie est totalement rentière et extravertie et soumise aux chocs externes. Or malheureusement le Ministre des Finances, Karim Djoudi, a déclaré l’APS l 13 août 2011 que « les placements des réserves de change de l’Algérie à l’étranger sont sécurisés », tout en occultant les vrais problèmes inhérents aux impacts de la crise mondiale sur l’Algérie, ainsi les solutions pour y faire face. Cela contraste avec les déclarations du président de la Banque mondiale dans une interview publiée par l’hebdomadaire australien Weekend Australian le 13 aoüt 2011, qui affirme, je le cite : « nous sommes au début d’une tempête nouvelle et différente, ce n’est pas la même crise qu’en 2008 ».
1- Selon le président de la banque mondiale, Robert Zoellick, l’économie mondiale est entrée dans une « phase nouvelle et plus dangereuse » et il reste très peu de marge de manœuvre aux pays les plus développés. Le problème de la dette des pays européens est selon lui plus inquiétant dans l’immédiat que les conséquences « à moyen et long terme » de la baisse de la note de la dette américaine, qui a provoqué la panique des marchés.
Avec la Grèce et le Portugal assommés par leurs dettes, c’est non seulement l’économie de la zone euro qui est menacée, mais aussi l’existence même de la monnaie européenne. Les investisseurs commencent selon lui à se demander combien de temps l’Allemagne et la France vont pouvoir continuer à soutenir les pays menacés, sans se mettre eux-mêmes en danger de voir leur note diminuer à son tour.
Pour la Chine confrontée à ses propres problèmes, il ne faudrait pas compter uniquement sur elle pour relancer l’économie mondiale. Aussi, je pense que malgré que la Standard & Poor’s a dégradé le 05 août 2011 la dette souveraine américaine qui est passée de triple AAA à AA, les pays qui seront les plus touchés en cas de récession longue e l’économie mondiale seront les pays européens et certains pays émergents qui dépendent de leurs exportations tant des USA que de l’Europe, avant les Etats-Unis d’Amérique.
Pour les pays de la zone euro, des rumeurs, qui ont affolé les bourses mondiales, ont couru sur la dégradation de la note française. Le cas de l’Italie et de l’Espagne, pour ne pas citer la grande Bretagne dont la monnaie est autonome, est alarmant. C’est que les thérapeutiques conjoncturelles tant américaines qu’européennes, après la crise irlandaise et grecque, ne se sont pas attaquées à l’essence du mal qui ronge le corps social mondial. Il fallait donc s’attendre à des turbulences cycliques au niveau des bourses mondiales avec des tensions plus fortes pour les années à venir. La suprématie de la sphère financière sur la sphère réelle, les distorsions entre les salaires et les profits spéculatifs en sont la raison principale nécessitant un renversement de tendance pour relancer la sphère réelle. Car le vrai débat c’est de repenser le fonctionnement du système économique mondial par une nouvelle gouvernance mondiale(2).
2- Face à cette situation, pour le Ministre des Finances algérien, les placements des réserves de change de l’Algérie à l’étranger sont sécurisés (dans la mesure que leur capital est garanti) et couverts contre les risques de change et que le gouvernement peut les retirer à tout moment. Le taux d’intérêt serait de 3%, ce qui couvrirait l’inflation actuelle. Quant à la structure des placements, le Ministre s’est borné à indiquer que l’Etat algérien a choisi d’en placer une partie comme des valeurs d’Etat sur des risques souverains, dont le risque est très limité (reconnaissant au passage qu’il y a risque) et que l’Algérie avait trois choix à faire pour gérer ses réserves de change.
Premièrement : aller sur des actifs financiers privés caractérisés par un couple risque/rendement « très important », mais « avec un choix spéculatif”.
Deuxièmement : déposer son argent dans des banques, qui ne sont pas à l’abri du risque de faillite.

Troisièmement : 
déposer ses réserves (de change) en valeurs d’Etat, ce qui est le choix de l’Algérie.
Quant à la répartition par monnaies, le Ministre, sans aller dans le détail, précise qu’il ya eu répartition équitable des réserves en dollars et en euros.
Que penser de ces déclarations tardives face à une crise mondiale ?
Je ferai plusieurs remarques, reprenant certaines d’entre elles parues dans la presse algérienne et internationale. Fait surprenant, le Ministre des Finances indique qu’à la fin 2010 les réserves de changes de l’Algérie étaient de 160 milliards de dollars alors que dans le bulletin numéro 13 en date de juillet 2011 de la banque d’Algérie, le montant des réserves est évaluée à 162 milliards de dollars y compris les réserves d’or : il faut être précis, car il existe une différence de 2 milliards de dollars.
La presse financière internationale a évalué les réserves de change de l’Algérie à 173,63 milliards de dollars fin juillet 2011, soit une différence de plus de 13 milliards de dollars. Par ailleurs si pour la dette intérieure le montant est identique, évalué à 480 millions de dollars, il n’en est pas de même de la dette extérieure (principale et intérêts), puisque le gouverneur de la banque d’Algérie annonçait 3,9 milliards de dollars devant l’APN fin 2010, alors que le Ministre des finances annonce 5,2 milliards de dollars. Pourquoi cette différence de 1,3 milliard de dollars et l’Algérie s’est–elle endettée entre temps ?
Il faut pour la crédibilité de l’Algérie, parler d’une seule voix et synchroniser les données du Ministère des Finances et celles de la banque d’Algérie. Les données internationales sont–elles vérifiées ou fausses ? Le Ministre des Finances n’a pas répondu. Il ne suffit pas d’affirmer une vérité élémentaire de l’économie publique, que les réserves de change ne sont qu’une contrepartie de la masse monétaire, transformée en dinars, qu’une partie est destinée à la fiscalité d’Etat afin de couvrir les projets d’équipements publics, les dépenses de fonctionnement et les transferts sociaux, alors que l’autre partie est déposée dans les banques.
Comme il existe une confusion entre les réserves de change et le fonds de régulation des recettes qui traduit la différence entre le prix réel du marché des hydrocarbures moyenne annuelle et la fourchettes des 37 dollars fixée par la loi des finances, fonds évalué en dinars.
Tout dérapage du dinar par rapport au dollar, monnaie de référence pour les hydrocarbures, augmente artificiellement le fonds de régulation des recettes et la fiscalité pétrolière.
Par ailleurs, affirmer que toute la dépense qui va à la collectivité nationale, entreprises et ménages, résulte de la transformation des réserves de change en dinars et dont 40 milliards de dollars vont annuellement aux importations, omet d’inclure les services. Le document de référence étant, non la balance commerciale, mais la balance de paiement, qui inclut les mouvements de capitaux, dont les services, dépassant 11 milliards de dollars (moyenne annuelle 2009/2011) ce qui porte le montant de la dépense à plus de 51 milliards de dollars. Il y a lieu de raisonner en termes de flux et non de stock, du fait que Sonatrach engrange des entrées en devises annuellement qui hors dépenses s’ajoutent au stock. Par ailleurs, le Ministre des finances n’a pas abordé les impacts de la loi de finances complémentaire 2011 certes établie sur la base du marché à 37 dollars le baril de pétrole (pour un taux de change à 74 dinars pour 1 dollar), le déficit budgétaire évalué à 33,9% du produit intérieur brut, (4693 milliards de dinars, 63 milliards de dollars) bien que ramené au cours réel, serait d’environ 10%. Ce déficit, selon les prévisions de la loi de finances 2012, serait supérieur à 34% toujours au cours plancher de 37 dollars et 11% selon le cours prévisionnel du marché. Or, le Fonds de régulation des recettes (FRR), est évalué à 4842,8 milliards à janvier 2011. Le ministre des finances fait un pari hasardeux sur un cours du pétrole supérieur à 100 dollars le baril à prix constants, seuil minimum pour continuer dans l’actuelle dépense publique et comprimer artificiellement l’inflation par des subventions. Ces propos contredisent l’ABC des fondements de l’économie publique qui a ses propres lois applicables à tous les pays sans exceptions, un pays ne pouvant distribuer que ce qu’il a préalablement produit au risque d’un suicide collectif et d’une déflagration sociale à terme.
3.-Concernant le problème des réserves de change, produit de la rente des hydrocarbures et non du travail et de l’intelligence. Assistant paradoxalement au frein des réformes lorsque le cours s’élève, par la généralisation de l’assistanat, c’est l’arbitrage entre quatre variantes pouvant être combinée, qui pourrait solutionner le problème mais cela suppose une vision stratégique et non des tâtonnements au gré de la conjoncture.
Premièrement : doit–on laisser les réserves d’hydrocarbures sous le sol pour les générations futures, ayant des capacités d’absorbation internes faibles, ou doit-on limiter l’extraction en fonction du rythme d’exportation, de la consommation intérieure, du prix international et des couts qui déterminent la durée de vie des réserves ?
Deuxièmement : en plaçant les réserves dans des valeurs refuges comme l’or, dont le cours a augmenté de plus de 500% en dix 10 ans, ou en prennant le risque d’acheter des actions dévalorisées en attendant la remontée des cours, ne définit-on pas le véritable manager comme celui qui prend des risques dans un monde de plus en plus turbulent et incertain ?
Troisièmement : réaliser des placements à l’étranger avec des rendements positifs qui dépendent du niveau d’inflation, des taux d’intérêts, des cotations notamment du couple dollar/euro.
Quatrièmement : je pense que la solution la plus souhaitable est l’utilisation à des fins de développement, de la ressource humaine – ressource bien plus importante que toutes les ressources en hydrocarbures – et la valorisation de l’entreprise concurrentielle. Les infrastructures qui absorbent actuellement 70% de la dépense publique (480 milliards de dollars entre 2004/2013) n’étant qu’un moyen.
D’autres questions stratégiques n’ont pas été abordées ou très superficiellement par le Ministre des Finances.
Quelle sommes sont placées à l’étranger ? 80% comme l’affirmé le même Ministre des Finances devant les députés courant 2010 ?
Dans quelles monnaies : dollars, euros, yen, livres sterling ? 45% en dollars, 45% en euros, 5% en livres sterling, 5% en yen, selon certaines sources. Ou 80% en dollars selon d’autres sources, sachant que 98% des exportations en devises (économie de rente) se font en dollars important 75% des besoins des ménages et des entreprises, dont 60% se font en euros ?
Et dans quelles proportions, entre bons de trésor américains, dans quelles banques centrales européennes, asiatiques, dans des banques internationales privéess dites AAA, dont certaines ont été décotées ? Pour les rendements futurs des bons de trésor, ils seront largement tributaires de la stratégie chinoise et japonaise, principaux créanciers des USA, qui sur 3400 milliards de dollars de réserves de change en 2011, à 1150 milliards placées en bons de trésor américains et les japonais 1000 milliards de dollars, qui eux aussi dépendent de l’évolution de l’économie américaine pour leurs exportations
A quel taux d’intérêt et donc à quel rendement, tenant compte du taux d’inflation mondial et des taux directeurs qui sont depuis 2009/2010, pour la FED ente 0-0,25%, relèvement de la BCE de 1,5% depuis avril 2011, ceux de la banque d’Angleterre 0,5% ainsi que celui du Japon qui tend vers zéro ? Affirmer que le taux est de 3% suppose un placement à moyen terme et non à court terme ?
Quelles sont les réserves d’or, le FMI l’estimant à 173,6 tonnes à fin 2009. Pour une valeur d’environ 6,07 milliards de dollars au cours de 2009, soit 4,3% des réserves de change ? Ce montant a-t-il été augmenté depuis, soit par d’autres achats ou par la production aurifère de Tamanrasset ? Dans ce cas, bien que le calcul des banques centrales concernant l’or se base au cours de l’achat du moment dans leurs bilans, se pose la question de la réactualisation du cours en moyenne annuelle et de la production aurifère algérienne entre le 01 janvier 2010 et juillet 2011 pour laquelle nous aurions un gain net de 3 milliards de dollars soit plus de 9 milliards de dollars, sous réserve qu’il n’ait pas eu vente.
D’une manière générale, si le stock, en principe, et à moins d’une faillite généralisée de toute l’économie mondiale ou d’une grave crise politique en Algérie, qui entrainerait le gel des avoirs algériens à l’étranger, est garanti par les Etats. Cela pose le problème des rendements. En effet, le taux d’intérêt étant de plus en plus élevé si les placements se font à moyen et long terme afin de couvrir le taux d’inflation mondial. Encore que se pose la décision récente pour des USA de laisser le plafond du taux d’escompte inchangé jusqu’en 2013, mais pas d’affolement puisque la Chine et le Japon et d’autres pays créanciers, bien qu’inquiets, n’ont pas décidé d’un retrait. Le placement à court terme avec les taux directeurs des banques centrales américaines et européennes presque négatif ne sont pas rentables. Pour ceux à moyen terme, le retrait avant terme entrainerait une perte pour l’Algérie du fait de la décote sur le marché libre et il est actuellement préférable d’attendre le terme, et coordonner notre action avec d’autres pays créanciers, tant des Etats Unis d’Amérique que de l’Europe, car un montant important des réserves de change de l’Algérie est placé au niveau de cette zone. Enfin, se pose le problème pour les placements des avoirs algériens dans des banques privées dites AAA qui ont été décotées. En cas de difficultés bancaires, si elles ne sont pas soutenues par leurs Etats, il y aura perte sèche pour l’Algérie. Comme on le constate, le problème est complexe et un grand débat national s’impose. On ne joue pas avec la monnaie, rapport social traduisant la confiance ou la méfiance Etat/citoyens. Mais, le vrai débat qui dépasse largement l’aspect monétaire, est celui de la transformation de cette richesse virtuelle en richesse réelle et relancer la sphère réelle afin de créer des emplois créateurs de valeur ajoutée afin de diminuer les tensions sociales. Et ce, afin de réaliser la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales renvoyant à l’approfondissement de la réforme globale et à une meilleure gouvernance. Sur ce point, débat essentiel et stratégique pour le devenir de l’Algérie, le Ministre des finances a été absent.

Professeur Dr Abderrahmane MEBTOUL, économiste