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vendredi 8 juillet 2011

Algerie:point de vue de Le romancier Tahar Ben Jelloun et l’historien Benjamin Sotra


TAHER BEN JELLOUN ET BENJAMIN SOTRA

Selon Tahar Ben Jelloun, le seul espoir pour l’Algérie “est qu’un jour, un militaire honnête prenne le parti du peuple


Le romancier Tahar Ben Jelloun et l’historien Benjamin Sotra publient des essais sur le printemps 
arabe. Nous avons confronté leurs analyses.
interview Valérie Trierweiler – Paris Match
Paris Match. Lorsque nous évoquons le printemps arabe, faut-il parler de révoltes ou de révolutions ?
Benjamin Stora. J’ai parlé de ­révolution car il y a rupture avec la situation antérieure, avec la peur notamment. C’est cette ouverture vers des promesses de liberté et d’égalité, comme en 1789, qui m’a fait utiliser le mot de révolution. D’ailleurs, les acteurs eux-mêmes ont employé ce mot.
Tahar Ben Jelloun. Pour moi, il s’agit de révoltes, spontanées venues d’exaspérations et de colères. Cela pourrait devenir une révolution le jour où il y aura un leader. Le peuple n’a pas cherché à prendre le pouvoir, il s’agit plus d’une mutinerie.
Vous n’avez pas utilisé le mot “démocratie”, c’est une nouveauté ?
B.S. Cela va de soi ! Mais c’est vrai que la démocratie est une idée neuve.
T.B.J. C’est même devenu une évidence, le peuple a voulu récupérer ses droits de citoyen.
B.S. Toutes les idéologies réfutant la démocratie sont vouées à disparaître. C’est pour cette raison que j’ai évoqué la naissance de l’individu arabe.
T.B.J. Je suis d’accord. Auparavant, le clan et la famille primaient sur l’individu. L’autre nouveauté, c’est la fin de l’islamisme. Leur logiciel était ­périmé, ils n’avaient pas leur place.
Quel a été le rôle des intellectuels ?
T.B.J. Les élites n’ont pas eu de rôle dans ces révoltes, mais les ­écrivains n’ont pas cessé, depuis des années, de décrire la pourriture dans ces pays. Leurs écrits ont fait leur ­chemin et préparé le terrain.
B.S. N’oublions pas que les intellectuels ont payé le prix fort dans les dictatures. Des journalistes, des écrivains, des psys ont été assassinés. Mais soyons honnêtes, certains intellectuels ont accepté ces pouvoirs dictatoriaux.
T.B.J. Oui, il y a eu des compromissions. Intellectuel ne veut pas dire révolutionnaire.
L’action des femmes a-t-elle été ­primordiale ?
B.S. Oui, nous avons vu les femmes dans les mobilisations. Elles avaient déjà été présentes dans les ­batailles démocratiques à plusieurs ­reprises. Elles étaient là, même si leur combat a parfois échoué.
T.B.J. Leur rôle a été capital. ­Certaines étaient même prêtes à perdre leurs fils au nom de la liberté.
Pourquoi ce qui a été possible en ­Tunisie et en Egypte ne l’est-il pas en Algérie ?
T.B.J. L’Algérie est dans la même situation que la Libye ou la Syrie. Le seul espoir pour ce pays est qu’un jour, un militaire honnête prenne le parti du peuple.
B.S. L’Algérie est une société martyrisée et traumatisée. La guerre civile dans les années 90 a fait 100 000 morts.
T.B.J. C’est un pays riche qui ne profite pas de ses richesses. Sa population veut émigrer et cela condamne ce régime. Le jour où la démocratie s’installera, ce sera une grande démocratie.

“IL Y AURA UNE ÉTINCELLE”

Quelle influence le printemps arabe peut-il avoir sur la jeunesse française ?
T.B.J. Je pense qu’il se passera quelque chose dans les banlieues car rien n’a été fait pour gommer les injustices. Ni en termes d’urbanisme, ni en termes d’éducation ou de travail. Tôt ou tard, la révolte gagnera.
B.S. Un jour, il y aura une étincelle. Quand je vois que le maire de Sevran en appelle à l’armée ! Nous ne sommes pourtant pas en Syrie. Les jeunes en ont assez de ne pas se sentir respectés.
T.B.J. Et moi, quand j’entends ­certains intellectuels comme Richard Millet dire qu’ils ne se ­sentent plus chez eux en France, ça me révolte. ­Aujourd’hui, il faut une volonté politique de s’occuper sérieusement de ce ­problème. Nos banlieues sont devenues une véritable bombe à retardement.
Les jeunes issus de l’immigration maghrébine se considèrent-ils proches des jeunes Arabes ?
B.S. Il y a une solidarité qui s’exprime via Internet. Mais la jeune génération née en France se trouve aujourd’hui plus proche des “indignés” espagnols que des Maghrébins.
T.B.J. Ils sont français. Ils n’ont pas envie de se révolter contre le ­pouvoir, mais pour avoir du travail et une vie décente
Source : parismatch.com
Tahar Ben Jelloun :  L’étincelle », éd. Gallimard, 122 pages, 11 euros.« Par le feu », éd. Gallimard, 49 pages, 7,50 euros.
Benjamin Stora : « Le 89 arabe, dialogue avec Edwy Plenel », éd. Stock, 180 pages, 16,50 euros.

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