"Il ne faut pas croire que nos réserves de change ont une grande valeur"
« C'est la rente qui a tué en nous l'organisation de la société, c'est elle qui a tué en nous les capacités de réflexion et toute capacité d'accumulation ». Pour Abderahmane Hadj Nacer, le pétrole est une malédiction qui frappe l’Algérie au lieu d’être un avantage, un bienfait ou une protection. L’ancien gouverneur de la Banque centrale d’Algérie était vendredi soir l’invité du quotidien Algérie News qui a organisé une rencontre sur son premier livre La Martingale Algérienne, en librairie depuis fin juillet dernier.
Pour M. Hadj Nacer, à chaque flambée des prix du pétrole, l’Algérie met un frein aux réformes économiques. Il cite des exemples. « Nous avions de bons objectifs jusqu'en 1973, on a basculé après parce que le prix du pétrole a quadruplé. Quand on a eu beaucoup d'argent, on a demandé à ceux qui pensaient de ne plus le faire et on a retardé ainsi le développement du pays », a‑t‑il expliqué, estimant que l'Algérie d’aujourd’hui manque de vision économique claire. « On importe tout, absolument tout sauf les légumes, et encore, parfois on en importe », a‑t‑il déploré. C'est pour cela que l'Algérie va subir la crise financière de plein fouet, avertit‑il. « Parce qu'on n'est pas acteur. Pour pouvoir l'être, il faut une construction institutionnelle avec une légitimité populaire. Ce qui signifie une forme de démocratie », a plaidé M. Hadj Nacer.
Questionné sur les risques encourus par les placements algériens en bons du Trésor américain en pleine crise économique mondiale, M. Hadj Nacer affirme qu'« il ne faut pas croire que nos réserves de change ont une grande valeur ». « Personnellement, j'aurais bien aimé les garder sous terre, on a une règle de base en Algérie. La gestion des puits doit obéir à la longévité la plus maximale de nos capacités de production. Plus on extrait, moins le puits produira. Et je trouve qu'on a surexploité des puits sans raison pour accumuler des encaisses oisives qui sont sans intérêt puisqu'elles ne correspondent pas à une logique d'accumulation industrielle ou capitalistique », explique l'intervenant.
Pour l’ancien gouverneur de la Banque centrale, la détention d'actifs réels, à l'image de l'or, est plus importante que la détention d'argent. « Le monde part trop vite pour espérer le rattraper avec la mécanique de l'enseignement. L'accumulation des actifs permet justement de gagner du temps. Acheter des actifs, c'est acheter du temps », a‑t‑il poursuivi. Dans ce sens, il a donné l'exemple des négociations du gouvernement avec Renault qu'il qualifie de « honteuses ». « Renault nous propose de faire de l'emboutissage. Pourquoi n'avoir pas acheté Volvo qui était en vente ou n'avoir pas fait un accord avec elle ? Pourquoi être dans cette concurrence stupide avec le Maroc ? », s'est‑il interrogé en soulignant la nécessité de réfléchir actuellement à une vraie politique industrielle.
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